Le déplacement géographique de l’endémisme

2017

 

Une contribution à une théorie d’un nomadisme contemporain pour contrer les maux de l’anthropocène

 Après le constat des déséquilibres environnementaux et sociaux à échelle planétaire et de l’échec des solutions contemporaines étatiques, je propose une nouvelle organisation sociale qui rétablirait une relation vertueuse avec la nature. L’angle nouveau est que je le fais, guidée par l’interprétation du comportement d’un arbre. Toute ma théorisation se voit illustrée d’expérimentations et œuvres artistiques. Ma recherche ne se guide pas à travers les sciences établies, mais au contraire, les remets en question grâce à l’histoire d’un arbre endémique qui est selon beaucoup, « en danger ». Cet arbre m’a emmené à voyager, à rencontrer des sages, à remettre en question ma terre, ma place sur le monde, le mal que je lui fais… pour finalement comprendre qu’il nous réserve une leçon merveilleuse. Son enseignement me semble si pur et important que je lui ferai honneur pour le restant de ma vie.

 

Comment réorganiser les sociétés humaines dans leurs relations au vivant, pour mettre un terme à l’extinction en cours de la vie sur Terre ? : Mon manuscrit présente l’organisation d’un nomadisme contemporain en réponse aux déséquilibres actuels, guidée par l’histoire d’un arbre endémique de l’île Rapa-Nuï.

Mon travail de recherche démarre en 2012 lorsque j’apprends l’histoire de la disparition d’un arbre endémique de l’île Rapa-Nui, l’Île de Pâques. Aujourd’hui, le Sophora toromiro vit dans les jardins botaniques autour du monde, mais lorsqu’il est planté chez lui, il meurt. Depuis, ce fait me hante et je me suis attachée à comprendre les raisons de sa disparition de son habitat naturel en dehors du système scientifique occidental. Comment pourrait-on interpréter ce fait ? L’arbre a-t-il un message pour les Hommes ? L’endémisme pourrait-il se déplacer ?

Echec après échec, les scientifiques européens sont absolument attachés à la réintroduction du Sophora toromiro sur son île d’origine. Les habitants de l’île, les Rapa-Nui pensent eux que l’esprit de l’arbre est tellement puissant qu’il reviendra de lui-même, mais seulement lorsque nous serons prêts. Certains disent d’ailleurs qu’il n’a jamais quitté l’île… C’est un apprentissage qui a nourrit ma quête. Pourquoi une vision aurait-elle plus de crédit qu’une autre ? Partie du postulat que l’arbre a un message à nous délivrer, c’est une recherche permanente sur l’interprétation du langage de l’arbre. Il m’a emmené vers des scientifiques, des conservateurs, des Machi, des historiens…

Ainsi je m’interroge particulièrement sur le sens de « protection » de la nature : la vision occidentale aujourd’hui dominante. Sur cette partie nous sommes guidés par l’histoire du Sophora toromiro que l’on m’a racontée au gré des voyages. Parfois, celle-ci s’entremêle, se croise, se contredit… Alors la forme écrite de l’histoire de l’arbre est celle d’un « conte dont vous êtes le héros ». La théorisation de notre relation à la nature est donc parsemée de son histoire. Il est possible d’y jouer ou non, c’est au lecteur de choisir.

Il ne restait qu’un seul Sophora toromiro lorsque celui-ci a disparu. Alors la dimension sociale et organisationnelle m’est apparue comme la prochaine étape à analyser. Puisque notre relation avec la nature est toxique, j’ai analysé nos comportements sociaux et économiques. Il apparait cette organisation est étroitement liée à notre état relationnel avec la nature.

Alors que le Sophora toromiro était considéré par les scientifiques et botanistes comme endémique et ne pouvant survivre ailleurs, il vit aujourd’hui sur d’autres terres, loin de son habitat naturel. La recherche s’attarde alors ici sur notre relation au territoire et à nos frontières. Qu’est-ce qui fait que nous sommes de quelque part ? Pourquoi ? Avons-nous besoin de racines ? Sommes-nous endémiques ? Comment appartenons-nous à une terre ? A un groupe ?

Suite à l’étude de notre territorialité, reste l’interprétation de ce départ sans retour de l’arbre. Il s’est en effet déplacé à des points lointains et différents les uns des autres. Le nomadisme ne serait–il pas l’équilibre véritable ? Nous emporterions notre propre frontière : celle de notre horizon, comme le Sophora toromiro l’a fait. Notre frontière s’entremêlerait alors avec d’autres, créant de nouveaux territoires organiques. Cette dernière partie expose l’organisation nouvelle d’une société contemporaine nomade respectant les équilibres entre les êtres sentients et le biotope. L’étude se voit complétée par la création d’une « Plateforme du Nomadisme Géographique de l’Endémisme » et d’une « Loi du Passeport Universel Unique ». Il s’agit de la forme matérialisée de ce système nouveau. J’expose leur fonctionnement, afin que le nomadisme contemporain puisse être potentiellement peu à peu adopté dans notre société actuelle.

La recherche expose toutes mes actions effectuées en parallèle de l’interprétation de l’enseignement de l’arbre, mais aussi des enseignements ancestraux et philosophiques. Par exemple, mon journal de bord de la vie de cabane que j’ai effectué en 2018, afin d’étudier intellectuellement et physiquement le transcendantalisme de Henry David Thoreau.

L’action, comme l’expérience du nomadisme dont je présente ici sa philosophie, ont construit mon hypothèse. Certains penseurs et artistes, que je considère comme mes mentors, m’accompagnent tout le long de ma recherche (et vie quotidienne) comme Henry David Thoreau, Emerson, Elysée Reclus, Sénèque et Marc-Aurèle, Kirkpatrick Sale, Yona Friedman, Bob Black, Fluxus et les Situationnistes, Claude Lévi-Strauss, Aldo Leopold, Pierre Restany, Edouard Glissant, Eduardo Galeano, Francesco Careri et bien sûr la vision cosmologique et la sagesse du peuple Mapuche et Rapa-Nuï.

J’ai inscrit ma recherche à La Sorbonne Paris 1 en doctorat en 2017 afin d’avoir une date butoir dans mon écriture et me motiver à la conclure. Aujourd’hui, grâce aux recherches et expériences vécues, il apparait à mes yeux que le plus important avant, est le partage de ces connaissances. En effet, face à l’apport de solutions positives et concrètes aux expressions si communes comme « changement du système » ; l’obtention ou non du diplôme me semble bien dérisoire.

[EN]

After observing the environmental and social imbalances on a planetary scale and the failure of contemporary state solutions, I propose a new social organization that would restore a virtuous relationship with nature. The new angle is that I am doing it, guided by the interpretation of the behavior of a tree. All my theorization is illustrated by experiments and artistic works. My research does not guide itself through established sciences, but rather challenges them thanks to the story of an endemic tree which many say is "in danger". This tree took me to travel, to meet wise men, to question my land, my place in the world, the harm I do to it ... to finally understand that it has a wonderful lesson in store for us. His teaching seems so pure and important to me that I will honor him for the rest of my life.

 How to reorganize human societies in their relationships with living things, to put an end to the ongoing extinction of life on Earth? : My manuscript presents the organization of contemporary nomadism in response to current imbalances, guided by the story of a tree endemic to Rapa-Nuï Island.

[ES]

Después de observar los desequilibrios ambientales y sociales a escala planetaria y el fracaso de las soluciones estatales contemporáneas, propongo una nueva organización social que restablezca una relación virtuosa con la naturaleza. El nuevo ángulo es que lo estoy haciendo, guiado por la interpretación del comportamiento de un árbol. Toda mi teorización está ilustrada por experimentos y trabajos artísticos. Mi investigación no se guía por las ciencias establecidas, sino que las desafía gracias a la historia de un árbol endémico que muchos dicen que está "en peligro". Este árbol me llevó a viajar, a conocer a sabios, a cuestionar mi tierra, mi lugar en el mundo, el daño que le hago ... para finalmente comprender que tiene una lección maravillosa para nosotros. Su enseñanza me parece tan pura e importante que lo honraré por el resto de mi vida.

¿Cómo reorganizar las sociedades humanas en sus relaciones con los seres vivos, para poner fin a la extinción en curso de la vida en la Tierra? : Mi manuscrito presenta la organización del nomadismo contemporáneo en respuesta a los desequilibrios actuales, guiado por la historia de un árbol endémico de la isla Rapa-Nuï.