Le Tourisme Vernaculaire

2011 — ∞

 

Ingrid Paola Amaro est touriste permanente.

Sous un aspect innocent la forme des dispositifs du Tourisme-Vernaculaire ne font qu’interroger les chemins imposées par les pouvoirs patrimoniaux et les lobbing touristiques. En effet, le capitalisme et le pouvoir tendent à choisir à notre place nos chemins dans une balade touristique comme dans un parcours de vie. Le Tourisme-Vernaculaire rend perceptible cette vision et élargie le champ des possibilités de la découverte d’un espace. Le tourisme-vernaculaire va à l’encontre du tourisme. Il est « atouristique ». Il est conscient que le tourisme existe, que lui-même évoque le tourisme, mais ce n’est pas du tourisme. Il est partout où notre regard se pose. Il permet de reconquérir à des fins de création et de vie, l’espace que les pouvoirs tendent à confisquer.

Lorsque seule, l’artiste suit ses propres protocoles il n’y a pas de témoin.

Cette forme d’art ne laisse pas d’empreinte physique elle est furtive, mais crée des souvenirs à la manière d’un visite touristique. Les photographies transformées en cartes-postales prolongeant la manière de percevoir un espace l’étrange ou encore l’archivage des objets-souvenirs au cours des balades, en font un œuvre continuelle et sans fin.

L’architecture tient une place très importante dans le projet. Pendant les balades l’architecture et l’urbanisme sont mises en avant et non pas un ou deux bâtiment mais par la dérive elle-même l’unité du paysage nous est révélé.

La marche est un outil pour se déplacer d’un point A à un point B, mais elle est porteuse de sens.

Rendre visible l’imperceptible

Le Tourisme-Vernaculaire se veut le microscope de l’espace environnant. Qu’il soit urbain, périurbain, périphérique ou campagnard, il s’agit bien d’organiser des ambiances unitaires et de créer des jeux d’évènements pour modifier le rapport à ce même espace.

Prenant appui sur des expériences et protocoles variés, le Tourisme-Vernaculaire inventorie un vaste champ des possibles pour vivre notre quotidien et ouvre des perspectives stimulantes pour cerner les non-limites de l’espace public.

Qu’est ce qui vaut le détour ?

Le tourisme sélectionne minutieusement depuis des décennies ce qui rentre ou non dans les guides ou cartes touristiques. Quel bâtiment sera ou non patrimoine, monument ou édifice classé. Mais quelle légitimité a-t-il ? Le Tourisme-Vernaculaire prend tout à fait un autre parti pris. Tout est regardable et tout a une  magie volumétrique contrastée et appréciable. Il ne parle pas de « beau » ou de « laid », mais d’espace, de perception et de manière de vivre l’action.

Les règles du jeu

Tantôt art, tantôt objet de distraction, le jeu tend à nous réconcilier avec nous-mêmes. La joie et la satisfaction que le jeu nous procure, nous permettent de vivre harmonieusement nos passions, aussi laborieuses soient-elles. Le tourisme est une forme forte de loisir pour nos sociétés. Le propos du Tourisme-Vernaculaire est d’en faire un jeu. Plutôt de se jouer de lui. Les protocoles sont reproductibles et chacun peut s’en amuser et en inventer d’autres. Les effets de ses protocoles portent en eux la problématique liée à notre conditionnement social. Comment faire face lorsque l’on est confronté à une scène hors de son contexte habituel ?

Effets des protocoles

Ces effets sont notoires sur les balades. Lors des balades touristiques les participants adhèrent à une forme de passivité. Ils écoutent et acceptent tout ce que le guide peut bien leur dire alors que le Tourisme-Vernaculaire invite à une forme d’action. Il change les règles du jeu et les promeneurs deviennent acteurs. Les réactions parfois violentes auxquelles j’ai été confrontée sont à la hauteur de la déstabilisation provoquée par l’énoncé.

 

Le Tourisme-Vernaculaire comme détournement

Le tourisme est un domaine que le capitalisme a transformé. En quoi la découverte de rues et bâtiments serait-elle séparée de la vie quotidienne ? Pourquoi des rues valent-elles plus le coup d’œil que d’autres ? C’est ce que le Tourisme-Vernaculaire promeut. Un tourisme quotidien et libre. Un jeu de tous les instants avec nos propres règles. Si c’est un art, il se veut sans barrières. Le propos est de reprendre ces actions, cet émerveillement.

Ce travail artistique de Tourisme-Vernaculaire interroge la situation périphérique de l’institution en s’appuyant et se questionnant sur l’intervention artistique dans de multiples espaces hors du champ artistique a priori. Il s’agit donc, aussi, d’infiltrer les lieux touristiques afin de détourner les moments qui y sont provoqués. Le Tourisme-Vernaculaire prolonge cet instant-là. On n’est pas touriste le matin, passant l’après-midi. C’est un état permanent qui va à l’encontre de ce que le capitalisme nous a conditionnés à assimiler comme étant du « tourisme ». Je peux flâner quand je veux et où je veux. Le Tourisme-Vernaculaire porte en lui la réflexion sur la liberté et le libre arbitre que nous permet l’espace, l’urbanisme et l’agencement des volumes et perspectives qui nous entourent.

Le Tourisme-Vernaculaire est un détournement. Cette forme détournant un domaine capitaliste comme le tourisme est une méthode délibérément construite. Elle témoigne de l’usure des usages capitalistes de ce domaine. L’inutilité du Tourisme-Vernaculaire et sa facile reproduction en font un outil de changement des éléments esthétiques et fonctionnels de notre quotidien. Quotidien, préalablement choisi et présidé par le capitalisme. Si nous devons vivre avec lui, au moins permettons-nous de s’en divertir. 

 

Situations crées par l’agence Tourisme-Vernaculaire liste non exhaustive :

Différentes balades :
Aux arbres citoyens : manifestation pour la plantation d’arbres.
Silence on dé-tour-ne : une balade sans voix.
La Cours-neuve : les objets urbains du quotidien et leur histoire.

Des cartes postales insolites : perspectives inattendues, photos ratées ou encore passants participants.

Des ateliers pour enfants et adultes : différentes étapes pour que chacun soit touriste vernaculaire au quotidien : cartographie, orientation, prise de vue et pratique épistolaire.

[EN]

Ingrid Paola Amaro is a permanent tourist.

In an innocent aspect, the form of the Tourism-Vernacular devices only question the paths imposed by the heritage authorities and tourist lobbing. Indeed, capitalism and power tend to choose for us our paths in a tourist stroll as in a course of life. Vernacular Tourism makes this vision perceptible and widens the range of possibilities for discovering a space. Vernacular tourism goes against tourism. It is “atouristic”. He is aware that tourism exists, that he himself evokes tourism, but it is not tourism. It is everywhere our gaze rests. It makes it possible to reclaim, for the purposes of creation and life, the space that the powers tend to confiscate.

When alone, the artist follows her own protocols there are no witnesses.

This art form does not leave a physical imprint; it is stealthy, but creates memories much like a tourist visit. The photographs transformed into postcards extending the way of perceiving a strange space or even the archiving of souvenir objects during the walks, make it a continuous and endless work.

Architecture holds a very important place in the project. During the walks, architecture and town planning are highlighted and not one or two buildings but by the drift itself the unity of the landscape is revealed to us.

Walking is a tool for getting from point A to point B, but it is meaningful.

[ES]

Ingrid Paola Amaro es turista permanente.

En un aspecto inocente, la forma de los dispositivos Turismo-Vernáculos solo cuestionan los caminos impuestos por las autoridades patrimoniales y el lobbing turístico. En efecto, el capitalismo y el poder tienden a elegirnos nuestros caminos en un paseo turístico como en un curso de vida. El Turismo Vernáculo hace perceptible esta visión y amplía el abanico de posibilidades para descubrir un espacio. El turismo vernáculo va en contra del turismo. Es “aturístico”. Es consciente de que el turismo existe, que él mismo evoca al turismo, pero no es turismo. Está en todas partes donde descansa nuestra mirada. Permite recuperar, a los efectos de la creación y la vida, el espacio que los poderes tienden a confiscar.

Cuando está sola, la artista sigue sus propios protocolos, no hay testigos.

Esta forma de arte no deja una huella física; es sigilosa, pero crea recuerdos muy parecidos a una visita turística. Las fotografías transformadas en postales ampliando la forma de percibir un espacio extraño o incluso el archivo de objetos de recuerdo durante los paseos, lo convierten en un trabajo continuo e interminable.

La arquitectura ocupa un lugar muy importante en el proyecto. Durante los paseos se destaca la arquitectura y el urbanismo y no uno o dos edificios sino que por la propia deriva se nos revela la unidad del paisaje.

Caminar es una herramienta para ir del punto A al punto B, pero tiene sentido.