Manifeste de Désynchronisation de la Nature

2017

 

Rendu publique le 23 mai 2017 à l’Ambassade du Chili, Paris

L’état de la nature est le reflet de l’état de notre nature humaine. Nos corps ne sont en réalité que des extensions de matière terrestre. La scission entre nos corps et la terre, qu’elle soit physique ou bien spirituelle provoque un disfonctionnement dans l’équilibre intrinsèque entre les corps et les dynamiques qui les lient. Les déséquilibres, tels que l’on nous les communique : le dérèglement climatique, l’extinction de telle ou telle espèce, l’érosion des sols, la fonte des glaces… ne font qu’exalter le parfait équilibre qu’existerait sans les gestes humains. Les déséquilibres n’ont pas été provoqués de manière contemporaine et ils ne sont pas seulement des déséquilibres transparents ou gazeux dans notre atmosphère. Ils sont l’héritage de nos actions négatives comme des tentatives de réparation de ces gestes. C’est alors que se dessine « la désynchronisation de la nature».

« La désynchronisation de la nature » est une impression de l’état du monde. Cette nature qui nous fait tout aussi bien détruire que construire, qu’admirer et bafouer au même moment. Pourquoi voulons-nous cette nature rangée que l’on visite plus que l’on habite, que l’on photographie pendant nos vacances et que l’on pille pour subsister dans l’artifice.

Une « nature qui aime à se cacher » comme nous l’enseigne Héraclite 500 ans avant notre ère et qui va à travers les siècles inspirer méfiance et violence. Puis les pensées du mythe de la nature sauvage qui accompagne l’industrialisation du monde occidental. Elles nous proposent l’acceptation de notre ignorance envers la nature et notre rééducation par l’observation et l’humilité. Cette approche nous emmène une distorsion des images fictionnelles de l’usage de la nature. Certaines spirituelles et féeriques, certaines artistiques et utopistes. L’art est le seul domaine lié à cette utopie et à ses images fictionnelles.

La nature est interprétée exclusivement de manière scientifique et capitaliste. Cela met en avant la mise à distance de l’Homme envers la nature. Elle va être observée, gardée  et conservée car nous pensons que nous la comprendrons. Nous la prenons très au sérieux parce que le contraire serait un blasphème.

La nature va aussi être nommée. Il semble impossible à l’humain de trouver un sens sans une organisation induite par lui-même. Aujourd’hui, la protection de l’espace nommé nature, passe par de nombreux et très techniques sigles et lois difficilement intelligibles. Commence alors à se dessiner la raison inconsciente de cette forme de collection : la posséder.

Alors même que nous sommes nature, nous construisons depuis des siècles une frontière mentale et physique avec la nature. Alors, elle nous manque et nous en créons une nouvelle par imitation. Les jardins, les réserves, les parcs nationaux. La nature est exposée comme un cabinet de curiosités et même traitée comme les objets de luxe.

Référons-nous à ces mots de Thoreau : « Simplifiez, simplifiez. »[1] « Pourquoi vivre avec cette hâte et ce gaspillage de vie ? »[2] Le capitalisme occidental est la norme massive qui détermine notre rapport à la nature. Le fatalisme avec lequel nous construisons à ce jour des réponses au disfonctionnement de la nature, créée ce déséquilibre qui l’éloigne de l’Homme et qui provoque la « désynchronisation ». L’engagement artistique démontrerait que nous pouvons répondre différemment aux déséquilibres, en s’inspirant de la nature même.

Nous devrions alors tenter de vivre avec de nouvelles expériences qui nous lieraient à notre environnement. Comprenons alors, que vivre de manière poétique signifierait exalter l’actualité de ce que l’on expérimente. La nature ou l’espace qui nous entoure est notre actualité, notre résilience. L’art se fait le verbe poétique et ludique des gestes de l’humain envers la nature qu’à une unique condition : les assumer.

[1] Walden ou la cabane dans les bois,H. D. Thoreau.

[2] Ibid.

[EN]

Manifesto of Desynchronization of Nature by Ingrid Paola Amaro
Released on may 23, 2017 at the Ambassade du chili, Paris

The state of nature is a reflection of the state of our human nature. Our bodies are in reality only extensions of earthly matter. The split between our bodies and the earth, whether physical or spiritual, causes a dysfunction in the intrinsic balance between bodies and the dynamics that bind them. Imbalances, as they are communicated to us: climate change, the extinction of such and such a species, soil erosion, melting ice ... only exalt the perfect balance that would exist without actions humans. The imbalances were not caused in a contemporary way and they are not just transparent or gaseous imbalances in our atmosphere. They are the legacy of our negative actions as attempts to repair these actions. It is then that the "desynchronization of nature" takes shape.

"The desynchronization of nature" is an impression of the state of the world. This nature that makes us destroy as well as build, admire and trample at the same time. Why do we want this tidy nature that we visit more than we live in, that we photograph during our vacation and that we loot to subsist in the artifice.

[ES]

Manifiesto de Desincronización de la Naturaleza por Ingrid Paola Amaro
Lanzado el 23 de mayo de 2017 en la Ambassade du Chili, París

El estado de naturaleza es un reflejo del estado de nuestra naturaleza humana. Nuestros cuerpos son en realidad solo extensiones de materia terrestre. La división entre nuestro cuerpo y la tierra, ya sea física o espiritual, provoca una disfunción en el equilibrio intrínseco entre los cuerpos y las dinámicas que los unen. Los desequilibrios, como se nos comunican: el cambio climático, la extinción de tal o cual especie, la erosión del suelo, el deshielo ... solo exaltan el perfecto equilibrio que existiría sin acciones humanas. Los desequilibrios no fueron causados ​​de manera contemporánea y no son solo desequilibrios transparentes o gaseosos en nuestra atmósfera. Son el legado de nuestras acciones negativas como intentos de reparar estas acciones. Es entonces cuando toma forma la "desincronización de la naturaleza".

"La desincronización de la naturaleza" es una impresión del estado del mundo. Esta naturaleza que nos hace destruir y construir, admirar y pisotear al mismo tiempo. Por qué queremos esta naturaleza ordenada que visitamos más de lo que vivimos, que fotografiamos durante nuestras vacaciones y que saqueamos para subsistir en el artificio.